Raphaella SMITS
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INTERVIEW Cahiers de la Guitare 2002

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Marcelline Chenu

Rencontre avec Raphaella Smits

Parlez-nous de la guitare dans votre enfance.

J’avais déjà onze ans quand j’ai fait connaissance avec cet instrument, grâce – comme beaucoup d’autres personnes – à un disque d’Andres Segovia. Mais, même sans guitare, la musique a toujours été présente dans ma vie, dès le début.
Nous habitions à la campagne et comme nous n’avions pas de télévision, alors nous écoutions la radio et des disques. Et nous le faisions en famille, le soir. Dans ma mémoire, ce sont des moments précieux. Important détail : nous n’avions pas beaucoup de disques et par conséquent nous les écoutions plus profondément, avec une appréciation plus grande pour la musique et les artistes !
Mon père, sculpteur, a toujours été – et est encore – un bon violoniste amateur. Ma mère, jardinière d’enfants, jouait bien du piano. Et mon frère étudiait le violon et la clarinette. Il nous a été enlevé par la mort, ce Noël passé, après avoir enseigné à des centaines d’élèves en tant que professeur de violon.
Johan et moi, avons eu une enfance pleine de jeux dans les champs et la fôret, dans cette belle nature qui donne de l’énergie et stimule l’imagination.
Plus tard, à l’école Rudolf Steiner, nous avons reçu une éducation bien équilibrée en ce qui concerne la formation intellectuelle, artistique et sociale. Là, nous apprenions à chanter à plusieurs voix et à jouer en famille de la flûte à bec, ainsi que de tous les instruments Orff. A l’âge de dix ans, je me suis inscrite à la chorale enfantine de l’Opéra Flamand.
Enfin, le 6 Décembre 1969, j’ai reçu de mes parents – pour la fête de Saint Nicolas – une guitare ! Comme j’aimais tellement faire de la musique, je fus tout de suite amoureuse de cet instrument. En dehors du fait de jouer la partition, j’improvisais pour accompagner ce que je chantais …


Qui sont les maîtres qui vous ont enseignée et que vous ont-ils transmis, à votre sens, de plus important ?

Mon prof au conservatoire d’Anvers était Victor Van Puyenbroeck. Il avait le talent de laisser les étudiants découvrir la musique. Il n’a jamais forcé personne à jouer telle ou telle pièce. Cette liberté me permettait de toujours aimer pleinement ce que j’abordais.
Après, Albert Sundermann et Jef Goor au conservatoire de Bruxelles m’ont fait travailler ma technique.
José Tomàs en Espagne, chez qui je suis retournée cinq ou six fois pour suivre ses stages d’été, m’a fait découvrir la plus-value de la guitare à huit cordes.
Enfin, mon maître de musique – et pas des moindres – fut Jos Van Immerseel : ce génie de toutes sortes de claviers m’a appris le sens le plus profond de la musique : le langage, la rhétorique, les exigences des partitions, l’art des fioritures et de l’improvisation …
Pendant ces années dont je fais le tour, il est évident que j’ai rencontré beaucoup de personnalités qui m’ont influencée : Philip Hirshorn, Eugène Muller Dombois, Hopsinson Smith (peu connu dans ce temps-là en 1974 !), Andrès Segovia, Narciso Yepes, …

Vous avez été la première femme à gagner un premier prix au Concours International de Benicasim. Vous en avez remporté d’autres. Qu’avez-vous tiré de ces victoires ?

Dans ce temps-là, gagner des concours ne me semblait pas tellemnt important … sauf dans l’optique de se faire connaître et par conséquent d’angrandir son public. Mais pour moi, Benicasim a déclenché un ‘plus’ : le déclic chez les producteurs d’Accent Records. Jusqu’à maintenant, j’ai en effet pu réaliser avec eux sept compact disques (le huitième déjà enregistré, sortira en fin d’année).

Vous-même êtes passée de l’autre côté, depuis. Que penser des concours ?

En effet, je suis régulièrement invitée comme membre de jury. Je trouve que c’est un travail exigeant mais aussi très intéressant. Ce qui ne change pas est que l’ont voit, à tous les concours, des joueurs très forts don’t certains se trouvent incapables de montrer leur talent dans ces terribles conditions, mais où d’autres, par contre, réussissent malgré tout à communiquer avec le public et à ajouter une couleur personnelle à la musique.
Par exemple, je viens de rentrer du concours EGTA en Allemagne : il y avait parmi ces jeunes un grand potentiel de talents qui annoncent quelques grands guitaristes. Dans un jury, nous sommes toujours à la recherche d’un magicien, ou une magicienne … Mais juger des musiciens reste une tâche difficile : on ne peut pas se limiter à compter des notes ou des fautes. Il faut en vérité comparer des performances extrêmement complexes.
Je trouve que le grand danger serait que, dans l’avenir, le public préfère le suspens des compétitions à la beauté d’un concert normal – qui va bien au-delà. D’autre part, beaucoup de jeunes interprètes se sentent contraints de ne jouer que le répertoire des concours – limitant en cela leur recherche et leur découverte.
Heureusement, pour beaucoup d’entre eux, les concours sont aussi des leiux de rencontre (même pour les professionnels). En combinaison avec des concerts donnés par les maîtres de notre instrument, on peut y vivre des moments musicaux merveilleux.

Quelles sont les domaines qui vous intéressent le plus dans notre répertoire ?

Je me sens surtout attirée par les couleurs, autant dan la sonorité de l’instrument que dans l’harmonisation de la musique : l’écoute du silence et le silence des sons dans les pages musicales me fascinent aussi ; enfin, l’ecclectisme de notre répertoire est captivant, depuis le classique le plus raffinée jusqu’à la musique moderne où l’on va même jusqu’à taper sur la guitare …

Quels furent vos duettistes marquants en musique de chambre ?

Très sûrement : mon duo avec David Russell dans les années quatre-vingt, ainsi que mon duo avec ténor Guy De Mey qui dure déjà depuis 25 ans. Depuis quelques années, je travaille régulièrement avec la mezzo argentine Liliana Rodriguez. Il est impossible de nommer tous les collègues avec lesquels j’ai joué depuis que je suis monté sur une scène. Ce qui est sûr est que j’ai toujours beaucoup aimé faire de la musique de chambre, que ce soit avec une guitare, le chant, du violon, de la flûte, du violoncelle, ou autre …

Parlez-nous de vos compositeurs préférés du passé.

Il est évident que je ne peux pas énumérer tous ceux que j’aime : il sont trop nombreux ! Mais quelques-uns me viennent tout à coup en tête, par exemple Haydn pour ses quatuors, et Monteverdi pour son Orfeo, aussi César Franck pour son Prélude, Fugue et Variations. Je pense également aux Romantiques Schumann et Schubert et je suis toujours touchée par la musique impressionniste de Debussy et Ravel où les extrêmes se touchent en richesse et finesse, en transparence et densité. Et sûrement, je ne peux pas omettre ‘notre musique originale’ des maîtres comme Sor, Mertz, Rodrigo, Britten et (heureusement) encore beaucoup d’autres !

Des compositeurs contemporains vous ont dédié leurs oeuvres. Qui sont-ils ?

Divers argentins ont écrit des morceaux pour moi, et pas des moindres : Cardoso et Cherubito, pour n’en citer que deux. En Belgique, Janpieter Biesemans a composé ‘Los Niños con los Sombreros’. Philippe Lemaigre, Jef Maes et Wim Henderickx également ont rédigé en pensant à moi. En Suède, le compositeur Owe Walter m’a dédié des pieces, et depuis ces dernières années, des gens d’Europe de l’Est, des Etats Unis et même d’Australie m’envoyent leurs compositions par e-mail !

Vous êtes connue pour pratiquer la guitare à huit cordes. Pourquoi ce choix ?

Comme tous les élèves de guitare, j’ai commencé avec six cordes. J’avais 16 ans quand je suis allée pour la première fois au stage d’été de José Tomas. Sous son influence j’ai découvert la beauté et les avantages des huit cordes. Pas seulement pour la musique ancienne, mais sûrement aussi pour les pièces romantiques et même pour des morceaux modernes : la portée plus grande me permet une interprétation plus riche, donc plus intéressante. Depuis que je me suis plongée dans la pratique de la musique du 19ème siècle, je suis toujours à la recherche de l’instrument le plus authentique pour chaque période. De ce fait, ma guitare peut être à six cordes, ou sept, ou huit … ou onze !

Vous avez tout fait très vite, puisqu’à 16 ans vous avez commencé à enseigner. Depuis des années, vous professez à l’Institut Lemmens de Louvain et vous donnez parout dans le monde des masterclasses : la pédagogie est un domain qui compte beaucoup pour vous ?

La musique est un mode de communication. La musique est quelque chose que je veux partager : avec le public, avec mes collègues et avec mes élèves. Je n’aime pas tenir secret ce qu’il faut connaître pour mieux jouer : je partage toujours mon savoir avec les étudiants. Peut-être est-ce la raison pour laquelle mes masterclasses sont renommées et laissent souvent une impression durable ?

Comment vivez-vous le métier de soliste, au cours du concert, dans le travail ?

Il ne faut pas envier les concertistes ! C’est un labeur qui exige, dans le même temps, beaucoup d’énergie, de la discipline, de la tranquillité intérieure et enfin, mais ce n’est pas la moindre des choses, de la persévérance pour cultiver le talent de créer et recréer la musique.
Mais les voyages (chaque nuit un autre lit), les circonstances inattendues … tout cela n’est pas toujours facile. Un soliste ne peut pas se laisser aller. Heureusement, le moment où il se trouve sur scène et où commence le concert, tous les problèmes – en tout cas pour moi – sont oubliés.

Ayant beaucoup voyagé, avez-vous noté des différences musicales, et si oui lesquelles, dans les divers pays que vous avez visités ?

En Europe orientale, j’ai remarqué une grande admiration pour la tradition : la formation musicale est souvent basée sur l’ancienne musique populaire du pays et sur les écoles du 19ème siècle.
Par contre, en Amérique du Sud, on trouve surtout développées les qualités de l’improvisation et de la création traditionnelle. La musique y fait pleinement prtie de la vie quotidienne.
Enfin au Japon, j’ai été surprise de voir comme on admire la musique ancienne européenne ! Quel respect pour le passé et ses valeurs !

Quelle est la place d’une musicienne internationale comme vous, à notre époque, dans la société ?

Etant musicienne, j’ai la même importance que tout autre être humain. Pour mes collègues comme pour moi oui, il y a une certaine responsabilité vis-à-vis de la qualité de nos réalisations musicales. Mais ce sera toujours le public qui en jugera et lui donnera son importance. J’aimerais bien croire que la musique pousse les gens à ne plus faire du mal, mais je crains qu’il y ait d’autres forces en jeu, plus grandes, plus négatives. Hélas !

Quelle est l’importance de l’art dans votre vie : musique, mais aussi danse, peinture, sculpture, architecture, cinéma ?

Je ne pourrais pas vivre sans art ! A la maison, j’ai partout autour de moi des dessins et des sculptures de mon père et d’autres artistes. Une belle maison, une église, un film valable, tout cela me rend heureuse !

Comment dessineriez-vous le futur ?

Jene suis pas capable de le faire. Même le présent est difficile à esquisser, tellement il est instable. Aujourd’hui, la vie est pleine de contradictions : les gens aspirent à l’amour et à l’amitié mais on fait la guerre de façon permanente. Des artistes essaient de créer de la beauté pendant que des ingénieurs construisent des machines à détruire.
Que voulez-vous que je réponde ? Que la musique au moins soulage la douleur du monde … .

< Laatste update: 23-VIII-2005 > < Top of page > < Vorige pagina > < Volgende pagina > < Abonneer je! >